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Il y a cochon et cochon

Dernière mise à jour : 28 mai

Si on traduit littéralement « large white », ça donne «gros blanc». On frise la grossophobie et la stigmatisation sur la couleur de peau. Quand on observe un large white, force est de constater que la description est purement factuelle.


Ce porc imberbe à la peau rose pâle, quasi blanche, est originaire du Yorkshire, au nord de l’Angleterre. Si on le laisse en paix, il peut atteindre en théorie près de 400 kg sur la balance pour une taille de plus d’un mètre sous la toise. Un fort beau gabarit que l’on ne voit en fait jamais (on vous l’explique plus bas).


En proportion, le large white représente environ deux tiers du cheptel de l’élevage porcin français. Et partout dans le monde. Ses propriétés sont considérées comme tellement avantageuses qu’on le croise à d’autres races dans le but de les « améliorer », en particulier le duroc américain, landrace français et le piétrain belge.


NB : autre race phare de l’élevage intensif, le duroc américain est parfois croisé avec du porc ibérique ; c’est autorisé pour l’appellation « jamon iberico », dans lequel se rangent certains jambons AOP pata negra, sauf le « 100% iberico » produit comme son nom l'indique à partir de porcs de race pure non croisés ; méfiez-vous des contrefaçons.


COCHON GONFLABLE


Son succès planétaire, le large white le doit surtout à sa croissance éclair. Il peut atteindre 110 kg en à peine 6 mois. Sa vie confinée, passée à ingurgiter une nourriture destinée à l’engraisser rapidement, s’arrêtera là. Fort rendement de carcasse, chair tendre et peu de gras, productif et consensuel, le large white satisfait certains besoins. No comment.


IL DESCEND DE LA MONTAGNE EN MANGEANT


Le porc noir gascon, c’est une autre histoire. Il n’est pas arrivé d’Angleterre jusqu’à nous dans l’éprouvette d’un laboratoire de génétique ni par bateau ni par camion. Son aïeul le porc ibérique a franchi les Pyrénées avec son dossard noir sur ses petites pattes musclées, tel Kilian Jornet au Gavarnie Trail, pour venir s’installer dans notre Sud-Ouest. L’histoire ne dit pas s’il a croisé les éléphants d’Hannibal.


Porcs noirs gascons chez Pierre Matayron (photo : Mathilde Lasserre)


Rustique, le porc noir gascon ne manque cependant pas de noblesse. Il affiche même son blason sur le dos, en un bouquet de soies, plus longues et plus fortes, à direction contrariée, formant rosaces et épis.


PATIENCE ET LONGUEUR DE TEMPS


Contrairement au large white, le porc noir gascon prend tout son temps. Pour chercher sa nourriture dans une nature sauvage, résistant aux conditions climatiques les plus rudes, froid, pluie et grosse chaleur. Il atteint son poids de forme de 150 kg au bout de 15 mois. Une fois abattu, on sait pourquoi le temps long est (presque) toujours le meilleur ami du bon goût.


Herbe, glands et châtaignes aux beaux jours, seigle et orge en cas de pénurie, l’alimentation du porc noir gascon et son patient développement, confèrent à sa chair une belle couleur rouge, un fin persillé et des flaveurs giboyeuses.


ET L’HOMME SAUVA LE PORC


Inadaptée aux standards de l’industrie agroalimentaire, la race aurait pu s’éteindre. En 1981, il ne restait qu’une poignée de survivants, deux mâles et quelques truies. Des éleveurs des Hautes-Pyrénées, du Gers et de Haute-Garonne ont résisté, relancé la filière et obtenu une AOP porc noir de Bigorre en 2017. Cochon qui s’en dédit !


Alors, gros blanc ou petit noir ?

 
 
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