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Le riz Carnaroli d’Igiea Adami

Photo du rédacteur: Stéphane MéjanèsStéphane Méjanès

(article originel écrit par Mathilde Lasserre, actualisé en février 2025)


Direction Busonengo, petit hameau de Villarboit, village italien immergé dans les rizières de Vercell, niché au cœur du Piémont, région qui concentre plus de la moitié de la production italienne de riz avec 70 000 hectares cultivés. Dans cette réserve naturelle de la Baraggia, on pratique la riziculture depuis le milieu des années 1500. Située au pied du Mont Rose, son nom vient de brughiera, lande couverte de bruyère, arbuste à feuilles persistantes. Dans l'Antiquité, ce type de végétation en faisait un lieu idéal pour le pâturage hivernal des troupeaux transhumants des Alpes de Biella. Au fil des siècles et grâce à un travail de canalisation capillaire et ingénieux, une partie de la Baraggia a été transformée en rizières. Le riz est la seule culture capable de survivre dans ce type de sol et d’habitat et acquiert ici des caractéristiques morphologiques et qualitatives uniques.


Igiea Adami dans ses rizières (photo : DR)


En 1867, la famille d’Igiea Adami rachète les terres d’origines… avant d’en abandonner peu à peu l’exploitation et de finir par la louer. Bien que née à Turin et ayant initialement d’autres desseins, Igiea a toujours souhaité être agricultrice « quand elle serait grande », se projetant parfaitement au milieu de cette rizière familiale. Après des études d'histoire (Igiea était une nymphe de la Grèce antique, dédiée à la santé et à la médecine, et le prénom de son arrière-grand-mère sicilienne), elle récupère la ferme en 2009 et ramène le riz à Busonengo, accompagnée par son mari et Matteo, un jeune fermier du village voisin d'Olcenengo. Ensemble, ils conçoivent leur propre façon de cultiver le riz, mêlant l'expérience de l'un et la vision d’une agriculture respectueuse de l’environnement des autres. Ils étudient et créent Terreamano, un projet ambitieux de riziculture artisanale impliquant une ancienne technique de repiquage.


L'Azienda Risicola Beni di Busonengo s'étend désormais sur près de 300 hectares et l'on y cultive l'un des meilleurs riz Carnaroli au monde, à peine concurrencé par l'Arborio. Surnommé le caviar des riz, le Carnaroli est un riz à grain long créé en 1945 d'un croisement entre le Vialone Nano (forte teneur en amylose, principal constituant de l'amidon avec l'amylopectine) et le Nencino (grain long, gros et nacré). Il est doté de qualités idéales pour le risotto : il est plus crémeux, sans perdre son croquant, grâce à sa forte teneur en amidon ; il est plus goûteux en raison de ses capacités d'absorption du bouillon dans lequel on le cuit.


« Notre Carnaroli est un produit vivant, qui poursuit la stabilisation de l'amylose au fil du temps : d’ailleurs, on le vend toujours trois mois après la récolte. Je trouve intéressant de comprendre et de respecter l'évolution du grain, comme on travaillerait un vin. Un riz industriel, par contre, aura toujours la même structure et peu de saveur puisqu’il est traité, notamment pour la conservation. » Igiea Adami

Quand l'Italie ressemble (un peu) à l'Asie (photo : DR)


Le Carnaroli se mérite ! C’est un riz difficile à cultiver, de par sa haute taille (environ 1,60 mètre) qui risque de retomber sur elle-même et de subir à plus grande échelle les effets de la pluie et du vent. Par ailleurs, pour l’un des riz qu’Igiea cultive (le Terreamano, littéralement « terre à la main »), chaque plante est piquée à la main, comme autrefois. En mai, le riz est semé ; en juin, les jeunes plantes atteignent une taille suffisante pour être déterrées et repiquées (toujours à la main donc), dans la « camera », le champ inondé la veille. Ce terrain est situé le long de la route nationale et chacun y va de son encouragement, de son coup d’œil, de son klaxon en apercevant femmes et hommes dos courbés et jambes dans l’eau. Il faut dire que plus personne ne fait ça depuis très longtemps. Souvent, les anciens passent pour raconter des histoires du passé, leurs expériences, une petite astuce pour planter plus dense.


C’est aussi une variété au rendement faible : ainsi de nombreuses variétés similaires, mais plus productives et inférieures (Karnak, Carnise) sont souvent vendues sous son nom. À Busonengo, Igiea cultive le vrai Carnaroli, aidée par le climat et le sol, idéaux pour cette variété. Les fréquents changements de température favorisés par les vents alpins et les eaux froides qui descendent des montagnes, donnent à la maturation du grain de riz des traits particuliers : il est ainsi plus compact et plus translucide.


Pour les amateurs de bio, l'entreprise propose également le Carnaroli Terreamano, un riz spécial qui tire son nom de sa méthode de culture unique : chaque plant est planté à la main, sans engrais ni herbicides. En 2017, pour célébrer son 150e anniversaire, est né le Riso Gange, une variété aromatique proche du Basmati qui séduit par son arôme incomparable.


LE PARADIS DES OISEAUX


L'entreprise Beni di Busonengo est située entre deux fleuves importants de la région de Vercelli : le Cervo et l'Elvo, ce qui signifie que de nombreux oiseaux migrateurs, attirés par l'eau, trouvent dans ces lieux un lieu de repos important. L'entretien des zones tampons à Busonengo, telles que les roselières, les berges boisées et une longue bande boisée le long de la rivière, a conduit à préserver un grand patrimoine environnemental avec un impact positif sur la protection des espèces aviaires. En 2014, Igiea et son équipe ont décidé de faire recenser l'avifaune présente à Busonengo par l'ornithologue Lucio Bordignon, auteur de nombreuses publications. Plus de 100 espèces d'oiseaux ont été répertoriées, parmi lesquelles vanneau, butor, héron pourpré, héron garde-boeuf, ibis brillant, colombe, échasse blanche, souchet ou sarcelle. Quand le riz est cuit-cuit.



Igiea Adami ou le bonheur dans les champs de Carnaroli (photo : DR)



 
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