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Les fruits mi-cuits de Maison Peyrey

Dernière mise à jour : 4 oct.

« Aujourd’hui, je suis artisan sécheur de fruits. L’idée, c’est de sublimer les fruits des meilleurs terroirs français avec un process particulier, le mi-cuit, qui permet d’être entre le fruit frais et le fruit sec, et de vraiment mettre en valeur le moelleux, le juteux du fruit de saison. » Baptiste Hamelin résume en quelques mots une chose bien plus complexe et un quotidien très chargé. Installé près de Bergerac avec sa compagne, Héline Mikielski, et leurs (bientôt) trois enfants, il a repris il y a 3 ans la Maison Peyrey, fondée il y a 40 ans par Marc Peyrey, d'abord à Marmande, avec une délicieuse recette iconique, et même déposée : les Pétales de tomates® séchées et confites.


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Tristan en visite à Bergerac pour comprendre le travail de Baptiste (photo : DR)


Enfance dans les Hautes-Pyrénées, entre coopérative et lycée agricole, études de commerce, dix ans de conseil à Paris, Baptiste raconte une bifurcation longtemps préparée, souvent différée. « Tous les six mois, je me posais la question de savoir si j’étais à ma place, confie-t-il. J’ai beaucoup appris, mais j’avais envie de revenir à des besoins plus fondamentaux, en lien avec l’agriculture et la gastronomie. » La bascule s’opère lorsqu’il cède ses parts, puis se lance à la recherche d’une entreprise à reprendre dans le Sud-Ouest. Sur une soixantaine de dossiers étudiés, c’est Maison Peyrey qui s’impose. Commande test sur internet, dégustation des fruits mi-cuits à la maison, coup de foudre immédiat. La rencontre avec Marc et Isabelle Peyrey achève de le convaincre. L’affaire se conclut sur un chèque mais pas que : un compagnonnage d’un an, pour apprendre le choix des fruits et les gestes pour les transformer, saison après saison.


Cet accompagnement terminé, Baptiste se retrouve seul face aux fours et aux cagettes de fruits. « La première année, il a fallu beaucoup tâtonner, confesse-t-il. J’avais bien été formé par Marc, pionnier du mi-cuit, mais il n'y a pas que la cuisson à maîtriser. La sélection des fruits est un élément ultra-clé. Ainsi que les procédés de séchage, plus compliqués qu’il n’y paraît. Tout dépend du taux de sucre, du calibre, de l’acidité… Il faut adapter à chaque lot. » Cette courbe d’apprentissage, il la décrit avec franchise, sans enjoliver. C’est dans ces moments, entre doutes et essais, qu’il mesure le savoir-faire patiemment construit par son prédécesseur, qui n’est d'ailleurs jamais très loin : « je continue à l’appeler de temps en temps, il passe encore régulièrement à l’atelier ».


TÉLÉPHONE ROUGE


Le respect à l'histoire de la maison, il s'incarne aussi dans la fidélité aux producteurs.

« On travaille avec des partenaires historiques de la maison, insiste Baptiste. Le moment de la récolte, c’est crucial. Je parle souvent de téléphone rouge : tous les jours, on se tient au courant de l’évolution des fruits, pour qu’ils arrivent chez nous à la juste maturité. » Mirabelle de Lorraine, figue de Solliès, cerise du Ventoux, raisin de Moissac, prune d’Ente du Lot-et-Garonne, tomate du Sud : chaque variété a ses contraintes, chaque terroir ses caprices. « Ça peut se joue à un jour près. »


On ne sait que choisir entre les pétales et les pétales... (photos : Maison Peyrey)


Et parfois, il faut savoir dire non. « Les figues, par exemple, sont ultra-fragile, détaille Baptiste. Si on rate le créneau, on perd tout. Il arrive que l’on refuse des lots parce qu’ils ne sont pas au niveau. » Le climat, imprévisible, ajoute sa part de désordre : pluies diluviennes, coups de chaud ou sécheresses, gels tardifs, grêle. Chaque récolte devient une course de précision, où la logistique doit s’adapter en permanence. Camions prêts, atelier sur le qui-vive, et toujours cette tension fébrile au moment d’ouvrir les cagettes : la chair du fruit dira si la saison est réussie. À cette époque cruciale des récoltes, Baptiste fait chauffer le téléphone rouge avec ses producteurs.


Dans l’atelier, Baptiste n’est pas seul. L’équipe, c’est la mémoire de la maison. Beaucoup d’employés étaient déjà là du temps de Marc Peyrey, et il tient à les nommer : Pamela, Lise, Émeline et Stéphane… Chacun possède un savoir-faire précis, transmis au fil des saisons. Ils trient, calibrent, observent les taux de sucre, ajustent les paramètres des fours. Dix, vingt, parfois trente heures de séchage à basse température (entre 60 et 70°C), avant la mise sous vide et la cuisson douce (entre 70 et 80°C) qui assouplit la peau, attendrit la chair et garantit la conservation. Entre le séchage et la cuisson, plusieurs tris intermédiaires sont effectués, jusqu'à cinq, pour que chaque fruit soit parfaitement déshydraté avant de passer au four. « Tout est adapté en fonction de la matière première, insiste Baptiste. Le séchage d’une prune n’a rien à voir avec celui d’une tomate ou d’une cerise. » Pour la prune d'Ente, la variété utilisée pour les pruneaux, Tristan approuve le process. Pas fan des fruits séchés, il compare sa découverte de ce fruit mi-cuit à celle des noix de cajou de Madagascar, c'est dire !


DES FRUITS DE CHEF·FE·S


Le métier suit aussi le rythme des saisons. « L’été et l’automne, c’est la grosse période, explique Baptiste. Les arrivages s’enchaînent, parfois tous les jours, et il faut absorber des volumes très importants. » C’est le temps des mirabelles, des prunes, des figues, des raisins, des tomates, avec l’atelier qui tourne à plein régime et l’équipe mobilisée en continu. L’hiver apporte une forme de répit, mais pas d’inaction : « On travaille sur d’autres produits, comme les tartinables, et sur toute la préparation de la saison

suivante », commente Baptiste. Ce cycle, fait de pics d’intensité et de phases plus calmes, structure la vie de Maison Peyrey autant que le calendrier agricole.


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La nouvelle addiction de Tristan (photo : Maison Peyrey)


Cette rigueur ne bride pas la créativité. Les fruits mi-cuits ont trouvé depuis longtemps leur place dans la gastronomie. Baptiste a renforcé ce lien avec les chefs, à mesure aussi que le monde de l'épicerie fine se transforme au gré des crises de la consommation. Il multiplie les essais, élargit le champ des possibles. « Les restaurateurs se servent de nos produits partout : dans des desserts, évidemment, mais aussi avec de la viande, du poisson, dans des sauces aigre-douces », s'émerveille-t-il (même s'il aimerait que le savoir-faire de Maison Peyrey soit parfois un peu plus visible sur les cartes). Chaque échange ouvre de nouvelles pistes. Maison Peyrey devient un véritable partenaire culinaire, pas seulement un fournisseur.


L’entreprise avance ainsi, à la croisée des savoir-faire et des saisons. Fidélité aux producteurs, écoute du climat, implication de l’équipe, curiosité gastronomique : tout se joue là, dans cet équilibre dont Baptiste Hamelin est le garant, conscient que le fruit, au départ, « est déjà extraordinaire ». Son rôle ? Lui donner une autre vie, sans jamais le trahir.


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