Les produits de Groix & Nature
- Stéphane Méjanès
- 4 août
- 4 min de lecture
On a rallié le port du Kernevel à Larmor-Plage (Morbihan). On est monté dans un zodiac avec un pilote de choix, Jérôme, jeune membre du Club déjà très actif. Sur une mer d'huile (un peu le thème de la journée), on a filé sous un ciel peu couvert vers Groix, évitant la foule et l'inertie des bateaux qui font la navette entre le continent et l'île. Pas de ponton, pas de file d’attente. On a débarqué à Port Tudy sans encombre, grimpé l'escalier raide du quai, l'aventure pouvait commencer. Cette virée maritime nous a déjà fait prendre conscience que produire ici, sur une île de 15 km2, est tout sauf anodin.
Traversée en zodiac sous un ciel clément (photos : Lucas Chappe)
Marianne Guyader, patronne de Groix & Nature, nous attendait dans un café du port. Voix posée, regard franc. À ses côtés, Emmanuelle Bernhardt, en charge du marketing et du développement. « Groix et Nature, c’est une conserverie, oui, mais c’est surtout un projet de territoire », glisse Marianne d’entrée. On comprend vite que l’histoire qu’elle va nous raconter est celle d’un engagement enraciné dans les rochers granitiques de l’île aux Grenats, et incrusté dans les cristaux de sel de ses embruns.

Marianne Guyader et Tristan sur un quai de Port Tudy (photo : Lucas Chappe)
UNE USINE SUR UN ROCHER
En quittant le port, on croise des ruelles pavées, on longe des maisons basses aux volets bleus, des jardins qui débordent d'arbustes fleuris, géranium lierre et glycine, en ce printemps breton. Une carte postale qui a su rester vraie. Une fois dans l'usine, le rituel est toujours le même : veste, charlotte, sur-chaussures, pédiluve, l’hygiène avant tout. À l’intérieur, ça sent bon la cuisson, le poisson fumé, l’huile chaude. On dirait une grande cuisine familiale. Et c’est presque ça. Ici, pas de ligne robotisée ni d’automatisation à outrance.
« Là où la main de l’homme n’est pas essentielle, on mécanise. Mais pour le reste, on garde le geste. Saler à la main, désarêter un filet, fumer au bois de hêtre… ce sont ces détails-là qui font la différence. » Marianne Guyader
Marianne nous guide dans les grandes salles de son site de production, raconte avec conviction. La truite fumée ? Faite par un partenaire breton, avec un savoir-faire spécifique. Le thon ? Décongelé à la demande, travaillé en longe puis mis en conserve. L’algue ? Récoltée à la main, en Bretagne nord, parfois même autour de Groix. Et tout le reste (beurre, crème, étiquettes, cartons), est bleu-blanc-rouge. « 96 % de nos fournisseurs sont français. C’est un choix. Ça coûte parfois plus cher, mais ça nous ressemble. »

Où que le regarde se port, le paysage le rappelle sans cesse, on est sur une île (photo : Lucas Chappe)
UNE IDENTITÉ INSULAIRE ANCRÉE
Groix & Nature fête ses 25 ans cette année. L’entreprise a été fondée en 2000 par Yves Guyader, père de Marianne, avec une idée simple et forte : relancer une activité ancestrale en sommeil, celle des conserveries groisillonnes, jadis florissantes à l’époque des dundees ou dundées (prononcez "dindé"), voiliers de travail des thoniers. En reprenant les rênes en 2014, Marianne n’a pas simplement pris la suite. Elle a prolongé la vision familiale, en l’ancrant encore plus profondément dans son territoire et son époque. Circuits courts, filières locales, exigence sur les matières premières, elle refuse le compromis. « On travaille avec le vivant, et ça demande de l’adaptation permanente. Mais on refuse de céder sur nos valeurs. »
Une grande cuisine pour de grands produits (photo : Lucas Chappe)
Dans l’atelier, ça s’active. Une sauteuse fume doucement. Une louche plonge dans une marmite. Sur les établis, les filets de maquereau attendent leur tour. « On veut des recettes simples, mais précises. Chaque poisson a son traitement. La sardine est pochée, le maquereau fumé et pelé à la main, la Saint-Jacques saisie doucement pour garder la mâche. »
Et puis il y a les huiles. De homard, de crabe, de langoustine, d’algue. Infusées à partir de têtes de crustacés, d’aromates, de piment. Le produit star ? L’huile de homard bleu. Une cuillerée dans une purée de pommes de terre, et le plat devient une fête. « C’est le principe de l’infusion : capter le goût du crustacé, sans le masquer. » La gamme s’est étoffée, jusqu’à cette édition limitée pour les 25 ans, mariant homard et poivre de Sichuan. Un clin d’œil épicé à la fidélité maison.

Une Maison qui fête ses 25 ans sans jamais avoir quitté Groix (photo : Lucas Chappe)
L'HEURE DE LA DÉGUSTATION A SONNÉ
Retour à Port Tudy pour la dégustation. Le soleil tape doucement sur les pavés. Dans la boutique, tout donne envie. Les rillettes de maquereau au poivre de Sichuan, la Saint-Jacques à la bretonne (produit signature qui a fait chavirer votre serviteur, un "french kiss de la mer" comme dirait l'ami François-Régis Gaudry), les huiles dans leur robe noire, les ormeaux en bocal, élevés sur l’île, nourris aux algues locales, cuisinés divinement avec du cochon. Texture parfaite et réminiscence d’un plat d’antan, revisité pour honorer les racines.
On goûte. On s’étonne. On reprend. C’est franc, c’est net, c’est bon. Tout simplement. Et toujours cette attention à la texture, à la mâche, à l’équilibre. Même les tartinables végétaux, comme ce tartare d'algues Bio ou ces pleurotes de Belle-Île et sarrasin Bio, ont du caractère.
Dans la boutique du port, c'est la régalade (photo : Lucas Chappe)
Marianne insiste : « Produire sur une île, c’est une contrainte. Mais c’est aussi une fierté. Il faut tout anticiper : l’acheminement des matières premières, la gestion des déchets, les délais de transport. Mais ça forge un modèle. » Un modèle résolument engagé, vertueux, attaché à ses racines. Économie d’eau, respect du vivant, filières locales, refus du homard canadien quand le breton se fait rare.
Groix & Nature n’est pas qu’une conserverie, c’est un manifeste, une déclaration d’amour à une île, à toutes les îles, à une mer, à une région, la Bretagne, à une tradition qui se réinvente. Et à l’heure où notre zodiac quitte de nouveau le quai, la mer est toujours aussi calme. Mais on sait qu’ici, sur ce bout de terre bretonne dont on s'éloigne peu à peu, rien n’est jamais vraiment figé. Sauf peut-être le goût des bonnes choses. Pour en savoir plus sur les produits mis en vente, cliquez ici.