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L'huile d'olive nouvelle de Khi

Photo du rédacteur: Stéphane MéjanèsStéphane Méjanès

(article originel écrit par Mathilde Lasserre, actualisé en février 2025)


C’est la première… huile d’olive de l’année, le pressé d’olives qui a volé notre cœur (et la vedette à beaucoup d’autres assaisonnements). Et comme il fait des ravages partout où il passe, il a aussi ravi celui d’Alain Passard. Tout droit arrivée de Grèce, à peine sortie de la presse, on ne peut pas faire plus frais. Et ça ne ressemble à rien de ce que vous avez déjà pu goûter. Tristan Laffontas est allé vérifier sur place. Après deux semaines passées à sillonner la France et l’Italie en voiture électrique, il est arrivé à bon port, non loin de celui de Thessalonique, dans le nord de la Grèce. Nous sommes le 8 octobre 2022, dans la région d’Halkidiki (on dit aussi Chalcidique), il sert chaleureusement la main de son hôte, Thomas Efstathiu. Pendant plusieurs jours, Tristan participe à la récolte. Il filme chaque étape avec son téléphone pour, plus tard, poster des teasers enthousiastes et pédagogiques dans lesquels il se met en scène, face caméra. Au pays des olives, il vit l’expérience intensément. L'huile est délicieuse et l'histoire est belle.


La variété Halkidiki récoltée verte pour l'huile nouvelle de Khi (photo : Khi)


UNE SAGA FAMILIALE


Expatrié en France depuis 1977 mais originaire de Grèce, Théo (père de Thomas) y hérite d’une petite parcelle de 4 500 m2. L’endroit est paradisiaque : proche de Thessalonique, deuxième ville de Grèce située à l'extrêmité septentrionale de la mer Égée, dans la campagne profonde, à flancs de montagne. Seulement, le terrain est sec, dans une garrigue rocailleuse pour laquelle même Jean de Florette baisserait les bras. Impossible donc d’y construire un quelconque habitat.


À la place, il accueillera une centaine d’oliviers. Qui profiteront ainsi, chaque jour, d’une vue plongeante sur le Mont Olympe (plus ou moins l’équivalent grec de l’argument immobilier “avec vue sur la Tour Eiffel”). Il faut croire qu’ils s’y plaisent, les arbustes car, quand il fait chaud, le père de Thomas les entend murmurer et même “ruisseler” comme il dit. Alors, cette parcelle, il la renomme “Le Chant de la Fournaise”.


En 2002, quand les olivier sont plantés, Thomas a 14 ans. C’est là qu’il attrape le coliv-02, le virus de l’olive, une passion intacte depuis. Il faut savoir que les oliviers ne produisent rien durant six à sept ans. Alors, jusqu’en 2008, c’est l’attente. Cette année-là, Thomas est justement en Grèce pour un stage dans une coopérative d’olives. Novices en la matière et jugeant les olives bien vertes, Thomas et son père décident de les récolter fin septembre. “Vous êtes fous !” s’alarmera la coopérative. “En septembre, ce sont les olives de table. Il faut attendre décembre pour l’huile !”. Trop tard.


Mais comme souvent dans les accidents gastronomiques (les sœurs Tatin ne nous démentiront pas), le dénouement est heureux.Thomas et son père décident tout de même de presser leurs fruits au moulin du village. Le rendement est plus faible mais, deux semaines plus tard, ils testent. “On n’avait jamais goûté un truc pareil, avec un goût aussi frais, aussi végétal. Ça n’avait même pas la consistance de l’huile.” Une robe vert intense, une texture fluide révélant des notes poivrées et herbacées, c'est une merveille.


Leur façon de fabriquer part de cet “accident”. En creusant, Thomas et son père découvrent que l’huile d’olive verte, “immature” se pratique quand même un peu, en Italie et en Grèce. On l’appelle olio nuovo chez les uns, c’est Αγουρέλαιο pour les autres.


Théo, au centre, et Thomas, à droite, l'olive de père en fils (photo : Khi)


L'ÉPOPÉE DE L'OLIVE HALKIDIKI


En 2012, une AOP “Agourelaio Halkidikis” est déposée par un collectif de producteurs. Halkidi, c’est le nom de la variété utilisée, mise au point jadis par les moines du Mont Athos, voisin : il s’agit d’une grosse olive rustique, adaptée au climat et au sol de la région. Théo et Thomas la cultivent sans labour, sans pesticides, sans engrais et avec un arrosage minimal. En 2014, père et fils décident de peaufiner leur méthode. Deux ans plus tard, Mathilde et Tristan rencontreront une première fois Thomas, par hasard, sur le rooftop d’un immeuble parisien à l’occasion d’un rassemblement de producteurs. Alain Passard, lui, avait déjà flashé et la distribuait notamment dans ses fameux paniers.


En 2018, dix ans après leur coup d’essai, un autre genre d’Olivier (ami de la famille) rejoint l’aventure après avoir visité leur parcelle, goûté leur pressé et donc irrévocablement attrapé le coliv-18. Ensemble, ils achètent d’autres parcelles, plantent de nouveaux arbres et créent la marque Khi, Le Pressé d’Olives Vertes (Olive et Thom était déjà pris). Khi, c’est la 22ème lettre de l’alphabet grec et la première lettre de la région Halkidiki (le hal est aspiré si jamais ça vous fait des nœuds dans le cerveau).


Sur place, le rendez-vous est le même depuis douze ans : fin septembre, les olives sont récoltées encore vertes, à la main et sur l’arbre. Cela s’étale sur une journée et toutes les olives sont ensuite pressées à froid dans les heures qui suivent, afin d’éviter toute oxydation. Environ 12 kg d’olives vertes sont nécessaires pour un bidon d’un litre. Il n'y a que de l'olive Halkidiki dans les huiles non filtrées de Khi, aucun mélange. Ici, on valorise chacun des terroirs uniques du domaine à travers des Éditions Limitées. Chaque cru est ainsi numéroté et millésimé. Leur cru historique, Le Chant de la Fournaise, est habituellement produit à moins de 1 000 exemplaires et est très apprécié de plusieurs grands chefs qui l’associent volontiers à leur cuisine.


En plus de son goût, le pressé possède une allégation santé reconnue au niveau européen. Due à la précocité de la récolte, le pressé est bourré -comme jamais- de polyphénols (de puissants antioxydants) qui contribuent au maintien d’une bonne santé cardiovasculaire. Et ma foi, le défi n’est pas trop dur à relever puisqu’une seule cuillère à soupe de 20 g suffit pour en bénéficier.


Une cuvée rare, l'une des huiles d'olive préférées des grands chefs (photo : Khi)

 
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