Les crevettes d'Unima
- Stéphane Méjanès
- 21 avr.
- 4 min de lecture
Pour Tristan, la découverte de produits exceptionnels est toujours le fruit de rencontres. Celle avec Amyne Ismail, président directeur général d’Unima, a été suffisamment décisive pour qu'il décide de faire un très long voyage, jusqu'à Madagascar, à la recherche des meilleures crevettes. Qui dit loin, dit transport. Objection votre honneur, celui-ci ne représente que 3 à 4 % de l’empreinte carbone du produit qui finira dans vos assiettes. Le reste, c’est ce qui se passe sur le site aquacole. Et là, on est sûr de notre coup parce que Tristan est allé sur place, plusieurs jours, a posé toutes les questions qui vont bien et peut certifier que « transparence » n’est pas une notion galvaudée chez Unima.

Les crevettes tigrées élevées par Unima (photo : Unima)
Retour en arrière. En 1965, Aziz Ismail fonde la société Unima, en marge du groupe Cotona, spécialisé dans le textile, créé par sa famille originaire d’Inde mais installée à Madagascar depuis alors trois générations. L’aventure de la crevette débute vraiment en 1973, lorsque les Ismail rachètent « Les Pêcheries de Nossi-Bé ». Elle se renforce lorsqu’Aziz délaisse le métier à tisser en 1990, pour ouvrir la ferme Aqualma, à Mahajamba, au nord de la Grande Île. Unima passe de la pêche artisanale de la crevette à la crevetticulture, première au monde à domestiquer la crevette géante tigrée (Penaeus monodon). Amyne, fils d’Aziz, prend les rênes de l’entreprise en 1998. Il lui donne un essor nouveau, sur les mêmes bases, luttant dans l’un des pays les plus pauvres du monde « pour imposer un modèle économique inclusif, vertueux, respectueux et profitable à tous », dans le respect du « Fihavanana », valeur cardinale de Madagascar qui invite à agir solidairement.
DES ÉMISSIONS MAÎTRISÉES
Tournant le dos aux pratiques en vigueur dans un marché en pleine expansion, Unima s’est inscrit d’emblée dans un modèle durable, reproduisant au plus près l’habitat naturel des crustacés, sans détruire la mangrove. Les bassins d’élevage ont été construits à l’arrière du couvert végétal, qui a ainsi été préservé, et même régénéré. Au fil des années, la société a en effet réintroduit 2 millions de plants de mangrove, et 3 millions d’arbres au total sur des terres travaillées uniquement avec des rotations de culture, sans intrants. Une forêt qui stocke du carbone là où il n’y avait rien que de la tanne, terre argilo-sableuses totalement infertile mais idéal en fond de bassins, préparés et remis en état là aussi sans produits, uniquement au tracteur.
Un engagement salué par Jean-Marc Jancovici, qui a développé le référentiel Net Zéro Émission avec sa société Carbone 4, choisi par Unima pour publier séparément ses émissions induites, ses émissions évitées et son carbone séquestré. Fin 2022, l’ingénieur et consultant a dressé un constat positif : « Nous sommes heureux de voir que depuis le premier bilan carbone effectué en 2008, les émissions induites ont baissé. Ce n’est pas non plus la situation la plus courante parmi les clients de Carbone 4. »

L'école du village de Besakoa, financée par Unima (photo : Unima)
L’engagement sociétal s’incarne lui dans le village de Besakoa, qui ne comptait à l’origine qu’une quinzaine d’habitants vivant en autarcie. Ils sont aujourd’hui 5 000, dont 1 500 travaillent pour Unima. L’eau potable et l’électricité sont arrivées, ainsi qu’une école, un marché et un dispensaire.
AQUACULTURE DOUCE
Côté élevage, pour ne pas prélever de géniteurs en mer, Unima a sélectionné au fil des années une centaine de « familles » de crevettes, protégées dans un quasi coffre-fort, soigneusement bichonnées et croisées en évitant toute consanguinité. Le groupe ne pratique pas l’épédonculation mais a opté pour une technique plus douce de ligature du pédoncule oculaire afin d’améliorer la fertilité. En attendant de pouvoir s’en passer, l’enjeu reste de maintenir un niveau de production en adéquation avec les besoins de l’entreprise, de ses salariés et du marché de la crevette, soumis au niveau mondial à de sévères variations. Les prix ont considérablement baissé depuis les années 2000, pour s’établir en moyenne autour de 4 dollars le kilo.

Conditionnement des crevettes dans l'usine Unima (photo : Unima)
Dans les bassins, la densité est comprise entre 15 et 25 animaux au mètre cube, et aucune algue ne vient perturber leur bien-être. L’alimentation exclut les OGM, les farines animales d’origine terrestre et les antibiotiques. Les granulés sont préparés dans une usine dédiée du groupe, baptisée Nutrima et basée sur l’Île de la Réunion, en collaboration avec le groupe coopératif URCOOPA. Ils sont à base de céréales, du soja en particulier, cultivé dans des champs non issus de déforestation. Le complément en farines de protéines d’origine marine, en voie de réduction, est issu de pêcheries éco labellisées. Épargnées par le stress, évoluant dans un environnement familier, les crevettes ne dépensent l’énergie de la nourriture que pour grandir, profitant pleinement de ce qu’on leur donne à manger. De l’anti-gaspi avec des antennes.
Lorsqu’elles ont atteint leur pleine maturité et leur taille commerciale (6 à 8 individus par kilo), au bout de 4 à 5 mois, les crevettes sont sorties des bassins pour être plongées quelques secondes plus tard dans des bacs d’eau glacée qui les tue presque instantanément. Leur température à coeur est alors d’environ 0°C. Enfin, maîtrisant toute la chaîne, l’unité d’Unima située à Boulogne-sur-Mer, assurera la cuisson et la surgélation de sa production. Il ne reste plus qu’à décortiquer et se régaler.