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Les framboises du Tursan

Dernière mise à jour : 27 janv.

« Sans cette framboise, qui a des qualités très particulières, on n'obtiendrait pas tout à fait cette oeuvre-là. »

Ainsi parlait feu Michel Guérard, chef triplement étoilé aux Près d'Eugénie, à Eugénie-les-Bains. En croquant dans une "simple" tarte minute en compagnie de Philippe Sebi, il disait toute son admiration et sa fidélité aux framboises du Tursan. Avant Philippe, le fils, c'est avec son père, Jean-Pierre, que le grand homme avait découvert cette merveille de la nature à quelques kilomètres de son restaurant, à Bahus-Soubiran. C'est là que JP, toujours bon pied bon oeil quand on le croise sur la ferme de Gnigue en compagnie de son petit-fils, Valentin, a lancé l'aventure de la framboise des Landes. On était en 1965 et personne n'avait eu l'idée d'en semer sur ces terres plutôt réputées pour leur vignoble, cette ronce domestiquée se plaisant davantage sur les hauteurs et dans les forêts des pays du nord de l'Europe. Un ami voyageur lui avait raconté que cette drupe aux arômes et au goût envoûtants faisait un tabac aux États-Unis.


Valentin et Philippe Sebi, fils et père, une transmission à l'oeuvre (photo : DR)


Adepte de la polyculture élevage, comme tous les paysans de l'époque, maïs, vaches et vin, Jean-Pierre plante donc quelques pieds de framboises au mitan des années 1960, puis un peu plus à mesure que les clients affluent, dont un glacier bordelais, Deux hectares de plein champ plus tard, ses fruits embaumaient les halles de Rungis. Tout allait bien. Avant que, arrivé sur la ferme des années plus tard, son fils Philippe soit contraint de prendre une décision radicale. Plusieurs saisons de pluies abondantes avaient non seulement frappé les pieds de framboisiers mais aussi détrempé le sous-sol, causant le développement de champignons du genre Phytophthora qui s'attaquent aux racines.

Jean-Pierre Sebi, l'un des pionniers de la framboise en France (photo : Stéphane Méjanès)


HORS-SOL PAR NÉCESSITÉ


Pas le choix, en 2009, Philippe abandonne en partie le plein champ et investit en fonds propres pour monter des serres sur les terres qui descendent en pente douce de la ferme vers le fond du domaine. Mais pas n'importe comment. Sans chauffage, dans des pots individuels (pour limiter la concurrence entre les pieds et une manutention épuisante lors du rempotage, tous les deux ans environ) et sur un substrat bio composé d'écorces broyées de pin maritime et de fibres de bois. Les Sebi n'appliquent qu'un seul traitement insecticide contre les punaises, avant la floraison, utilisent une technique précise d'effeuillage pour éloigner les ravageurs, et irriguent au compte-goutte, un système branché sur leur propre lac collinaire qui retient la pluie et rend la ferme autonome en eau. Les récoltes sont strictement manuelles, trois fois par semaine. La culture hors-sol ne permet pas d'obtenir le label bio mais, ici, c'est tout comme.

Les dernières framboises de l'année 2024 à Bahus-Soubiran (photo : Stéphane Méjanès)

À toute chose malheur est bon, le passage sous serre a été l'occasion de privilégier la qualité à la quantité avec des variétés soigneusement sélectionnées, moins productives que les plus répandues, comme la Meeker, l'Héritage et la Lloyd George. Ici, on parle de Tulamine, Polka, Enrosadira, Paris ou Versailles, qui se succèdent au fil des mois, selon leur cycle propre, entre mi-mai et mi-novembre et développent des parfums uniques. On en a goûté sur pied lors de notre visite, le 9 novembre 2024, avec Valentin. Arrivé en 2021, celui-ci a déjà pris ses marques avant de laisser ses parents profiter à terme d'une retraite bien méritée, Il aura de quoi s'occuper, notamment en continuant de développer les plantations d'agrumes, dont la grande passion de son père, le yuzu.

Valentin Sebi dans une serre à agrumes de la ferme familiale (photo : Stéphane Méjanès)


LA FRAMBOISE DANS TOUS SES ÉTATS

Chez les Sebi, tout est vendu localement, y compris dans la boutique de la ferme où l'on trouve aussi des produits transformés par leurs soins (dont de diaboliques pickles de framboise), ou en collaboration avec la distillerie Uraspirit, pour un gin, la brasserie du Bahus pour une bière, et Granhota, bien connu des membres de Pépites, pour un vinaigre. La légende raconte que la framboise doit sa couleur à la nymphe Ida qui se serait piquée à une ronce, versant une goutte de son sang sur le fruit jusqu’ici blanc. On aime les mythes mais on préfère les manger.


Une partie de la gamme des Framboises du Tursan (photo : Stéphane Méjanès)

Les autres producteurs mis en avant ce mois-ci :

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