Poivre et vanille de Madagascar
- Stéphane Méjanès
- 31 mars
- 5 min de lecture
Quand on dit Madagascar, on pense immédiatement à deux ingrédients : le poivre et la vanille. Les membres de Pépites savent aussi qu'on y trouve des crevettes et des noix de cajou, grâce à Unima, mais aussi du caviar, produit par Rova. Ce sont d'ailleurs les fondateurs de Rova Caviar, Alexandre Guerrier, Delphyne et Christophe Dabezies, qui ont convaincu Tristan d'envisager une vente de poivre et de vanille de Madagascar. Le fondateur du Club des 1 000 était jusque là hésitant, non pas par rapport à la qualité de ces deux produits emblématiques, qui n'est plus à prouver, mais compte tenu de la difficulté de s'en procurer et, surtout, d'être sûr que cela respecte les valeurs défendues par la communauté Pépites. Rova Caviar cochant toutes ces cases, quand Tristan a découvert que l'entreprise avait sourcé du poivre et de la vanille pour les offrir à des clients et amis, il a su qu'il tenait le bon filon.

Le poivre sauvage Voatsiperifery sélectionné par Rova Caviar (photo : Rova Caviar)
L'histoire autour du poivre est assez simple. De nombreux distributeurs en proposent partout dans le monde. Madagascar est une terre d'exception, berceau d'une biodiversité unique pour la culture de différentes variétés de vrais poivres (du genre Piper), de toutes les couleurs, noirs, blancs et verts. L'île est aussi réputée pour son poivre sauvage des forêts humides, dit Voatsiperifery (Piper borbonense), aux arômes de fleurs, de sous-bois et d'agrumes, frais et persistants, le préféré d'Anne-Sophie Pic (Maison Pic*** à Valence). Introduit au début du XXe siècle par le Français Émile Prudhomme, directeur de l'Institut national d'agronomie coloniale, le poivre a fait la réputation du nord-ouest de l'île, à Nosy Be puis dans la région de Sambirano. À la fin des années 30, la maladie de Muller (pourriture du collet) a obligé les Malgaches à s'intéresser à une nouvelle variété, plus résistante, dite Belontoeng, originaire de Lampung en Indonésie. Elle s'est bien acclimatée, Madagascar figure aujourd'hui dans le Top 10 des producteurs mondiaux, avec environ 10 000 tonnes de poivres cultivés et sauvages, cependant loin derrière le Vietnam, n°1 avec 250 000 tonnes (on vous en parle dans un article sur nos amis de La Plantation).
LA GOUSSE DE LA DISCORDE
Pour la vanille, c'est une autre paire de manche... Tout a bien commencé avec l'introduction à la fin du XIXe siècle des premières boutures et techniques d'affinage en direct de l'île voisine, la Réunion, dite Île Bourbon, d'où le nom de la variété que l'on trouve à Madagascar : vanille bourbon (appellation établie en 1964). Arrivée également par Nosy Be, elle a vite migré au nord-est vers la région de SAVA (Sambava-Andapa-Vohémar-Anatalaha), qui en est rapidement devenue le berceau, la "capitale mondiale de la vanille", grâce à la qualité de ses sols riches en matières organiques et à son climat chaud et humide, avec des pluies régulières et une température stable autour de 25-30°C. Madagascar produit aujourd'hui 80% de la vanille consommée dans le monde. C'est là que les ennuis commencent.

La vanille bourbon de Madagascar sourcée par Rova Caviar (photo : Rova Caviar)
Le cours mondial de la vanille subit d'importantes variations (600$/kg en 2019 et à peine plus de 150$ en 2023, par exemple), concurrencée notamment par la vanilline de synthèse, issue principalement de deux composés aromatiques, la lignine et le gaïacol, utilisé massivement par les industriels. Pour résister et sauver la filière, qui représente un quart des recettes d'importations du pays, le gouvernement malgache a dû instaurer un système de marchés contrôlés et de dates officielles de récolte. Une mesure qui vise aussi à enrayer le fléau du vol et du marché noir de la vanille. Car, cet "or vert" (avant transformation) ou "or noir" (après), attise les convoitises. « Certains trafiquants obtiennent un agrément qui est utilisé pour une seule opération, pouvait-on lire en 2022 dans la Gazette de la Grande Île (devenu le Journal de l'Île Rouge). Une fois l’exportation réalisée, la société créée pour l’occasion est dissoute. Cela permet aux trafiquants de se soustraire aux impôts et à l’obligation de rapatriement de devises. D’autres trafiquants excellent dans l’art des fausses déclarations. En effet, ils gonflent artificiellement les factures de frais. D’autres trafiquants n’ont aucun scrupule à mélanger la vanille avec d’autres produits (vanilles provenant de vieux stocks et graines de café) dans le but d’optimiser leur profit. »
Pire, des organisations criminelles font régner la terreur chez les planteurs, qui se calfeutrent, stockent la vanille dans des coffres et s'organisent en milice, parfois soutenus par la police locale. Dans une reportage d'Euronews, diffusé en 2018, on voit un fermier, Jao Nasaina, faire des rondes sommairement armé, chaque jour et chaque nuit pour chasser les voleurs. L'année d'avant, l'essentiel de sa récolte lui avait été dérobé. « Ils coupent les plants de vanille et les gousses, et les mettent dans des sacs, je suis donc devenu plus vigilant et cette année j'ai acheté une lance et un petit fusil pour me protéger et protéger ma ferme », expliquait-il alors.

L'enjeu de toutes les cupidités (photo : Rova Caviar)
Il est donc quasiment impossible aujourd'hui de se procurer de la vanille de Madagascar en direct sans se heurter à la méfiance des producteurs, à l'incertitude sur sa provenance et sa composition, ni sans être certain qu'elle n'est pas le fruit d'un fric-frac. Présents sur l'île géante de l'Océan indien depuis 1998, avec leur activité principale, le textile, les patrons de Rova Caviar apportent toutes les garanties d'une vanille sans tous ces défauts.
Ce serait dommage de s'en priver car, au-delà de ces avanies, l'excellence de la vanille malgache tient aux méthodes de culture et de préparation, restées très artisanales. « Tout commence par une pollinisation manuelle : chaque fleur de vanillier ne s'épanouit qu'une seule journée et, en l'absence de son pollinisateur naturel (une petite abeille native du Mexique), les producteurs doivent la féconder à la main. Ce procédé délicat, inventé au XIXᵉ siècle par Edmond Albius à La Réunion, est indispensable pour obtenir des gousses. Il faut environ 600 fleurs pollinisées pour produire 1 kg de vanille une fois préparée (après fermentation et séchage) – un travail titanesque réalisé par des mains expertes. » (source : vanilleaix.com)
LA MÉTHODE BOURBON
Après 9 mois de maturation sur la liane, les gousses vertes sont récoltées à pleine maturité (lorsque leur extrémité jaunit légèrement). Les étapes traditionnelles s'échelonnent ensuite sur plusieurs mois :
Échaudage : les gousses fraîchement récoltées sont plongées quelques minutes dans de l'eau chaude (~65°C) pour tuer la fève et amorcer la réaction enzymatique. C'est une spécificité de la préparation malgache (en Mexique, on utilisait autrefois la chaleur du four ou du soleil directement).
Étuvage : les gousses sont ensuite enfermées dans des caisses en bois tapissées (ou des couvertures) pendant 24 à 48 heures, où elles « suent ». Cette fermentation à chaud développe la couleur brun chocolat et de premiers arômes.
Séchage : durant plusieurs semaines, les gousses sont exposées au soleil quelques heures par jour, puis remisées à l'ombre ou en caisses la nuit pour continuer à fermenter lentement. Cette alternance réduit progressivement leur humidité tout en préservant les composés aromatiques.
Affinage : une fois le séchage terminé, les gousses, désormais noires et souples, reposent encore plusieurs semaines (voire mois) en malles ou en cartons. C'est pendant cet affinage que les arômes se concentrent et se « marrient », aboutissant au bouquet final.
(source : vanilleaix.com)
Les plus anciens parmi les membres du Club des 1 000 ont pu découvrir la vanille de Tahiti et se demandent en quoi la vanille de Madagascar est différente. Elles sont évidemment merveilleuses toutes les deux, possèdent des vertus digestives mais aussi de diminution des niveaux de stress et d'anxiété. La vanilline est par ailleurs riche en antioxydants, efficaces contre le vieillissement cellulaire et pour régénérer la peau. Outre l'aspect général, plus charnues pour les gousses tahitiennes, plus fines pour les malgaches, c'est le taux de vanilline qui varie de l'une à l'autre. Faible pour Vanilla tahitensis, entre 0,8 et 1%, supérieur à 1,5% pour la vanille bourbon. À chaque palais et à chaque moment sa vanille !