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Les vins de Jérôme Bretaudeau

Jérôme Bretaudeau est l'un des premiers vignerons à avoir rejoint le Club des 1 000, parrainé par Ludovic Ardouin, notre membre chirurgien de la main et amateur de bon vin. Jérôme y a aussi gagné un ami, Alexandre Polmard, formidable éleveur de blondes d'Aquitaine en Lorraine, que Tristan lui a présenté. En tout cas, l'avoir parmi nous était déjà un bonheur mais, lorsque la Revue du Vin de France l'a élu "Vigneron de l'Année 2025", notre fierté n'a plus eue de limite. Sans le brusquer, en commençant par un événement sur son domaine, nous avons attendu ce moment : proposer une vente de ses vins à nos membres. Il est arrivé. Alors, on est allé rencontrer ce héros au sourire si doux. On a mieux compris qui il est et pourquoi il est grand.


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Le geste auguste du goûteur (photo : Lucas Chappe)


SELF MADE VIGNERON


Jérôme Bretaudeau n’a pourtant pas hérité de vignes. Pas de domaine dans la famille, pas de cave centenaire ni de rangées de ceps à perte de vue en guise de terrain de jeu. Il grandit à Gétigné (Loire-Atlantique) entre un père agriculteur et une mère dans l’élevage, de la polyculture comme on la pratiquait encore dans les années 1980. C’est par les livres que Jérôme Bretaudeau est tombé dans le vin. Quinze ans, une adolescence nantaise, et une bible aux pages un peu froissées. Il nous donne le titre : "Les 100 plus belles bouteilles du monde". Impossible à retrouver, sans doute épuisé. Le petit Jérôme y découvre en particulier le vignoble bordelais, ses classements, ses châteaux, ses hiérarchies. Il ne sait pas encore quel sera son chemin, entre ce Médoc fantasmé et sa terre natale, aux confins de la Loire-Atlantique et de la Vendée, au pays d'un muscadet qui peine à trouver ses lettres de noblesse. Mais, il va le chercher, c'est sûr.

À seize ans, il s’inscrit à Briacé, le lycée viticole du Landreau, puis poursuit par un brevet professionnel à Nantes. Dix ans de salariat plus tard, chef de culture chez un vigneron-pépiniériste, Alain Gaubert (à Vallet, Loire-Atlantique), il a tout appris du végétal, le greffage, les porte-greffes, les cépages oubliés. En 1995, il plante ses premiers ceps sur les terres familiales mais c'est en 2001 qu'il se lance vraiment, rachetant des parcelles. En 2005, il fonde le Domaine de Bellevue, sur environ 5 hectares. Aujourd’hui, il en cultive 22. Le parcours d’un obstiné, d’un homme qui a toujours voulu faire de « grands vins », sans bien comprendre comment, ni pour qui. Il ne savait pas que c'était impossible, alors il l'a fait. Avec le recul, le muscadet lui doit beaucoup, comme il doit aussi énormément à Jo Landron et Guy Bossard, ce dernier décédé en 2023, auquel Jérôme pense souvent.


« Un grand vin, c’est un vin qu’on partage, qu’on vide sans même s’en rendre compte. Une bouteille qui vous fait dire : waouh, ça fait du bien. »
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Jérôme Bretaudeau tresse les apex de la vigne qu'il laisse pousser pour ne pas brider sa croissance (photo : Lucas Chappe)


LE VÉGÉTAL, LE VÉGÉTAL, LE VÉGÉTAL


Les vins blancs l'excitent mais il avoue un penchant pour les vins rouges. L'influence de l’école bordelaise est sensible dès les premiers cépages plantés (merlot, cabernet franc), mais également dans les barriques, dans la vinification intégrale de certaines cuvées. L’homme a cependant les pieds bien ancrés dans son terroir. Il revendique une vision très personnelle, presque autodidacte, nourrie de lectures, de rencontres, de dégustations, de discussions de salons et de soirs d’hiver. Pas de maître à penser, mais des convictions solides. La biodynamie, par exemple, qu’il expérimente dès 2005, bien avant qu’elle ne devienne un argument marketing. À l’époque, pas d’Internet, pas de recettes toutes faites, juste l’observation et l’intuition. Dix ans d’essais, d’échecs et de réussites, pour que le vin, enfin, évolue, et que la vigne change. Il fait aujourd'hui profiter de son savoir son partenaire, Champagne Billecart-Salmon, en l'accompagnant depuis trois ans sur ses nouvelles pratiques biodynamiques, concoctant des recettes de son cru.


Car, quoi qu'il arrive, c’est dans les vignes que tout commence. « Le végétal est au centre du domaine », martèle-t-il. Toutes les parcelles sont taillées par ses équipes et par lui. Pied par pied, bourgeon par bourgeon, les ébourgeonnages sont faits à la main, avec une précision maniaque. Ici, on scanne, on enlève les gourmands, on effeuille, on palisse. On contraint juste ce qu’il faut, puis on laisse faire. Le respect du cycle végétal est une obsession. On pousse toujours plus loin l’expérimentation : système de câbles chauffants non polluants pour lutter contre le gel, plantation des porte-greffes seuls, greffage en place trois ans après, à l’ancienne, pour une meilleure circulation de sève. Sur ces vignes qui restent des lianes, Jérôme Bretaudeau laisse s'envoler les apex (extrémité d'une tige) vers le ciel, sans les couper, pour les tresser et ne pas brider la croissance. Pour travailler ces vignes hautes, il s’est offert un robot électrique autonome, seul capable de passer entre les piquets surélevés sans perturber le sol.


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Promesse de vin (photo : Lucas Chappe)


UNE CATHÉDRALE AU VERT


En plus de ses parcelles disséminées autour de son fief, il s'est aménagé une sorte de laboratoire à ciel ouvert. Un îlot de 40 hectares entre Gétigné et Clisson, anciennement appelé « la Monnerie » (en référence à l’aumônerie du château de Clisson). Il a acheté les terres alentour pour tout rassembler au même endroit, dans un écrin de prairies et de futaies, de paix et de biodiversité. Pour vivre heureux, vivons caché. Le chai, invisible depuis l’extérieur, viendra s’y nicher. La maquette en 3D qu'il nous présente en avant-première (interdiction de faire des photos), donne une idée de la beauté discrète du futur bâtiment qui doit être inauguré en 2027. Un projet charnière qui peut voir le jour notamment grâce au soutien de la maison Billecart-Salmon, partenaire minoritaire du domaine. « Le domaine Jérôme Bretaudeau est une religion, il lui fallait une cathédrale », résume Mathieu Roland-Billecart, patron de l'entreprise champenoise qui fiche par ailleurs une paix royale à son ami. Chacun ses vins.


Pour l'instant, tout se passe encore dans un bâtiment industriel, sans âme vu de l'extérieur, mais qui vibre à l'intérieur des jus qui y sont pressés et reposent dans des contenants variant autant que les cuvées. Pas un vin sans sa cuve dédiée : souterraines en béton pour Clos des Perrières ou Clos des Bouquinardières, œufs pour Gaïa, foudres pour Justice, fûts pour les rouges, inox pour les jus en transit. Chaque forme, chaque matière, chaque inertie thermique a son rôle. Le béton, tapissé de carreaux de verre, permet un lent échange avec les lies. L’œuf, par son absence d’angles, provoque un mouvement naturel du vin. Les fermentations sont longues, spontanées, sans contrôle de température, toujours en levures indigènes, parcelle par parcelle. Les élevages, eux, s’étendent de 12 à 24 mois avant que le vin ne passe entre 8 et 14 mois supplémentaires en bouteille.


Au terme d'une journée passée à ses côtés, Jérôme Bretaudeau a sorti pour nous quelques verres, les a posés sur un tonneau et a annoncé la couleur (enfin, les couleurs, blanc et rouge). Il a tenu absolument à faire quelque chose de vraiment spécial pour les membres du Club Pépites, des « passionnés passionnants » qu'il a pu rencontrer lors d'une journée au domaine avec déjeuner au restaurant Hell City du HellFest voisin. Deux cuvées, peu de bouteilles, mais deux pépites.


LA CUVÉE QUI N'EXISTAIT PLUS


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V Sens 2014, la cuvée qui n'existe plus (photo : Lucas Chappe)

À toute rareté tout honneur, voici V Sens 2014. Un assemblage 50% merlot et 50% cabernet franc, vinifié à la bordelaise, les mains dans le fût : égrappage manuel, macération en barrique retournée, pressurage délicat, puis deux ans d’élevage en fût. Un vin unique, jamais reproduit, car les cabernets ont disparu du domaine. Il n'y a eu que 800 bouteilles, presque la moitié a été dispersée, parcimonieusement, aux bonnes personnes. Jérôme en garde un peu pour lui, le reste est pour les membres. Et quelle merveille ! À l’aveugle, on le placerait sans peine sur la Rive droite de Bordeaux, rivalisant avec un saint-émilion ou un pomerol. Robe dense, fraîcheur, trame souple, finale veloutée. Un vin de mémoire.

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Clos des Bouquinardières 2023 (photo : Lucas Chappe)


Face à lui, Clos des Bouquinardières 2023, expression tranchante du terroir de gabbro, une roche basaltique rare. Un mono-cépage melon de Bourgogne, élevé 18 mois sur lies en cuve souterraine. Un vin droit, minéral, salin, tendu. Avec cette amertume noble, presque tannique, qu’on ne dompte qu’avec le temps. « À garder deux ou trois ans avant d’ouvrir », conseille Jérôme. Ce vin-là parle de granite, de sève, d’anis et de menthe. Il ne flatte pas, il questionne. Et c’est sans doute cela le plus beau compliment.


Pour en savoir plus sur les produits mis en vente, cliquez ici.


 - l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération -

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