La viande de Guillaume Gatard
- Stéphane Méjanès
- 2 juin
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juin
Depuis la création de son entreprise, d'abord box MoiChef puis club Pépites, les chefs étoilés murmurent à l'oreille de Tristan. C'est la source première pour dénicher des artisans-producteurs et artisanes-productrices, qu'il va systématiquement rencontrer sur le terrain, pour vérifier qu'ils et elles cochent bien les cases du bon, du propre et du durable. Cette fois, l’adresse n'est pas venue d’une cuisine prestigieuse. « J’achète ma viande à un éleveur incroyable, il faut que tu ailles le voir », lui a glissé un fidèle membre. Une fois, deux fois, trois fois. À la quatrième, Tristan a pris la route de Boismé, dans les Deux-Sèvres, à la rencontre de Guillaume Gatard, éleveur bovin.

Guillaume Gatard, Tristan Laffontas et des copines (photo : Charlotte Rifflet)
Boismé, 1 200 habitants, est un village tranquille du bocage bressuirais, à deux pas du Haut-Poitou. Les haies y dessinent encore le paysage. C'est le cas de la ferme de Guillaume Gatard qui en compte 30 kms. Il en a même replanté 1 km en 2023 avec un mantra : « pour chaque arbre coupé, deux sont replantés ». L’élevage Gatard est certifié bio depuis 2011, comporte 10 kms de ruisseaux, 15 mares, 3 étangs, et 200 ha de prairies. Passé par l’enseignement agricole et un BTS ACSE, Guillaume y déploie, à la suite de ses aînés, Paul, Gustave, Guy et son père Francis, une agriculture respectueuse et régénérative. L’herbe constitue la base du régime alimentaire des bêtes. Le reste, méteil, maïs grain, foin, est produit sur place, sans le moindre recours aux protéines brésiliennes issues de la déforestation, extraites à l’hexane puis acheminées par cargo (soja OGM en tête). Il produit, récolte, stocke en silo, fermente avec soin, parfois avec l’aide de levures et de bactéries bio pour stabiliser l’ensilage.

Jersiaises à table (photo : Charlotte Rifflet)
CHAROLUS ET JERSIAISE
Sur ses terres, Guillaume élève deux races bien distinctes. D’un côté, la Charolus, un croisement atypique entre la Charolaise et l’Angus, né presque par accident (un taureau angus un peu trop fougueux) et devenu signature de la maison. « Il a le grain de la Charolaise et le persillé de l’Angus », résume Tristan. Une viande à la fois dense et fondante, qui séduit par sa mâche comme par sa générosité en gras intramusculaire.
De l’autre, plus surprenante encore, la Jersiaise. Race laitière par excellence, petite vache brune venue des îles anglo-normandes, célèbre pour le gras de son lait, mais ignorée des boucheries. Sauf chez Guillaume, qui a compris que ce lait si gras annonce aussi une viande au goût puissant, peu musclée mais concentrée et persillée. Guillaume récupère des vaches en fin de carrière laitière, les nourrit pendant plusieurs mois avec sa propre alimentation, et transforme ces bêtes de réforme en trésors gustatifs. Sa viande de Jersiaise file ensuite tout droit vers les cuisines étoilées... et vers les membres du Club des 1 000.

Côte de boeuf de Charolus (photo : Élevage Gatard)
La viande, une fois prête, ne quitte pas l’écosystème vertueux mis en place par Guillaume. La découpe est confiée à JA Gastronomie, entreprise familiale installée à Bressuire, reconnue pour la précision de ses gestes et le respect des carcasses. Ensemble, ils ont imaginé un autre projet : la Ferme des Belles Robes. Un lieu où races anciennes, savoir-faire paysan et goût retrouvé peuvent cohabiter. Cette collaboration prolonge une démarche de fond : créer des filières courtes, transparentes, exigeantes, où chaque étape, de l’élevage à la découpe, de l’herbe à l’assiette, a du sens.
AUTONOMIE ALIMENTAIRE
Grâce à ses prairies tournantes et à ses cultures associées, pois, féverole, triticale, en particulier, mais aussi ses récoltes tardives de maïs grain, Guillaume offre à ses bovins un menu cohérent, diversifié, saisonnier. L’hiver venu, l’herbe sèche devient foin ou ensilage, jamais laissé au hasard. Guillaume connaît la biologie de ses silos sur le bout des doigts : pH, acidité, fermentation anaérobie, levures et bactéries… Chaque détail compte pour éviter les moisissures, garantir la stabilité des rations et préserver la santé des bêtes. Loin des modèles intensifs, cette autonomie alimentaire est plus qu’un choix technique : c’est un manifeste. Un refus du modèle mondialisé qui a transformé l’élevage en usine, les animaux en machines à engraisser. Chez Gatard, les vaches vivent au rythme des saisons, broutent de l’herbe, se nourrissent de la ferme. Et ça change tout. Pour elles. Pour nous.

Jeune Charolus (photo : Charlotte Rifflet)
MOINS MAIS MIEUX
Au Club, on n'esquive pas : la viande a un coût environnemental élevé (environ 10% de l'empreinte carbone totale d'un Français, 60% de celle liée à l'alimentation). Il faut en manger moins, mais mieux. L’élevage Gatard en est l’illustration parfaite, parce qu’il prend le temps, s’interdit les raccourcis, cherche le goût sans céder sur le fond. Manger de la viande comme celle-ci, c’est faire un choix politique, écologique, sensoriel. C'est remettre du vivant dans nos assiettes.
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